jeudi 28 novembre 2013

Rapport sur la situation des personnes LGBT en RDC (2010-2013)



L'association Si jeunesse savait et l'ONG Sexual Right Initiave présente conjointement un rapport mettant en lumière les violations, les discriminations et les contradictions des lois, politiques et pratiques en République Démocratique du Congo (RDC) qui ne permettent pas aux congolais et aux congolaises de jouir pleinement de leurs droits. Il s'agit notamment du traitement réservé aux lesbienne, gays, bisexuelles et transgenres.

 


Une legislation neutre

En effet,  concernant les personnes LGBTI, le Droit congolais est neutre selon la typologie d’ONUSIDA. Cela veut dire que la législation de la RDC n’est ni protectrice ni prohibitive envers  les minorités sexuelles. En octobre 2010, cette neutralité a failli être menacée par un membre du parlement national,  le pasteur  de l’Église Pentecôtiste des Secouristes, Évariste Ejiba Yamapia. Le Député a présenté devant l’Assemblée nationale une proposition de loi intitulée « Proposition de loi relative aux pratiques sexuelles contre nature ». L’exposé des motifs de la proposition mentionnait  qu’il est nécessaire de réviser le code pénal congolais afin de criminaliser « les pratiques sexuelles contre nature » comme la zoophilie et l’homosexualité. L’homosexualité est décrite, dans ce texte, comme « une menace à la famille » et « une abomination ». La proposition contient plusieurs articles criminalisant « les relations homosexuelles » ainsi que la zoophilie, et rendant illégales toutes formes de promotion, défense ou expression publique relatives aux « relations sexuelles contre nature ».


Des médias qui véhiculent une image négative des homosexuels

Dans leurs vies de tous les jours,  les LGBT congolais sont souvent victimes de plusieurs formes de violation sans qu’ils ne puissent avoir des moyens de défense juridique.  Ils sont aussi accusés d’attentat à la pudeur ou sont montrés dans les reportages à travers les médias congolais qui les présentent comme des curiosités de foire. Ces programmes sont diffusés sans tenir compte des règles d’éthique journalistique. Ces quelques faits peuvent permettre de comprendre la manière dont les homosexuels sont dévoilés dans la presse congolaise.

  •   En mai 2012, Molière TV, une télévision privée émettant à partir de Kinshasa, a diffusé un reportage de 7 minutes sur l’interrogatoire humiliant d’un travesti par un policier.

  •   Le 03 mai 2011, le journal l’Avenir, quotidien paraissant à Kinshasa avait publié un billet intitulé « haro sur l’homosexualité »[1]. Cet article  encore visible sur internet parlait de la nécessité de contrer les efforts des puissances européennes décadentes visant à faire accepter l’homosexualité aux Nations pauvres d’Afrique, sous peine de voir les aides financières être coupées. Si Jeunesse Savait avait demandé un droit de réponse et l’avait obtenu. Malheureusement, une autre réaction d’un lecteur publié, deux semaines après soit le 19 mai 2010 traitait l’homosexualité de « comportement déviationniste ». Ce lecteur classait, par la même occasion, les homosexuels dans le même groupe que les gangs appelés « kuluna » à Kinshasa et les enfants de rues ou « shegués ».



Menaces et arrestations arbitraires

En dehors des médias, les homosexuels sont victimes des tracasseries. Ils sont régulièrement torturés par la police, l’armée ou les services de renseignements qui leurs extorquent par la même occasion de l’argent.


  •  En 2010, une fille de 20 ans avait passé 9 mois, de décembre 2009 à septembre 2010, au centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa, pour attentat à la pudeur. Il lui a été reproché d’avoir eu des relations sexuelles avec une étudiante en Droit dont le père avait minoré l’âge pour la faire condamner. Ayant été en détention préventive illégale pendant 9 mois, elle a bénéficié des services de Me olivier okakessema, un avocat défenseur des droits humains.  


  • En 2010,  Gogo, un jeune homme âgé de 26 ans dont la vie est un calvaire à cause de son homosexualité affichée a été agressé violemment. Voici un extrait de son témoignage : « Le 03 juin 2010, un soir vers le marché Bayaka, au croisement des avenues Assossa et kasa-Vubu dans la commune de Ngiri-Ngiri, j'ai été pris pour cible par des personnes non identifiées si ce n’est que l’un d’eux portait une cordelette rouge à la ceinture, indice qu’il était militaire. Ces dernières me suivaient depuis le rond-point Mouleart situé entre les avenues kasa-Vubu et  Libération, dans la commune de Bandalungwa. Elles m'ont interpellé en m'appelant par mon prénom, je me suis arrêté et se sont approchées de moi et m’ont demandé si j'avais cessé avec les pratiques homosexuelles d'après eux "démoniaques". Pendant que je voulais savoir qui étaient-elles et qu’elles étaient leurs motivations, elles se sont jetés sur moi. J’étais seul contre tous. Ils m'ont lynché jusqu'à perdre connaissance car j'avais reçu des violents coups de mes adversaires. J’ai été conduit saignant dans un centre médical, situé dans la commune de Kasa-Vubu ».

  •        En 2012, Sifa, une lesbienne de 35 ans a été appréhendée au domicile familial par des personnes se présentant comme des services de renseignements. Ils ont menacé de l’amener en prison après une plainte qu’ils auraient reçue d’une compatriote vivant en Europe. Cette dernière se plaignait  d’avoir été forcée  d’avoir des relations sexuelles par Sifa. Les hommes des services de renseignements ont fouillé la chambre de la jeune femme et y ont trouvé des sous-vêtements féminins. Ils lui ont déclaré que cela constituait une preuve qu’elle recevait différentes filles dans sa chambre. Ils ont ajouté que la dite preuve confirmait une autre plainte liée  à un tournage de film pornographique pour le compte d’un artiste musicien que Sifa fréquentait. La jeune femme qui sortait d’une opération chirurgicale fut dans la contrainte de suivre les représentants du service de renseignement.   Cherchant à empêcher ces hommes de conduire sa fille convalescente en prison,  son père  a dû débourser la  somme de 5000 Dollars américains.  


  •     En mai 2013, deux activistes répondant, respectivement, au nom de Joseph Saidi et Jérémie Safari ont été successivement arrêtés et détenus par les services de la Police d’investigation criminelle et de la police de proximité de la ville de Bukavu. Il leur a été reproché de faire la promotion de l’homosexualité ainsi que d’avoir commis un viol. Monsieur Joseph Saidi, Président de l’association Rainbow Sunrise Mapambazuko s’est également fait extorqué la somme de 400 Dollars américains par les fonctionnaires de la police censés protéger les citoyens

 Ces cas ne sont pas exhaustifs mais démontrent combien le Droit des homosexuels est librement bafoué en RDC.

Justice Walu / SJS