Malgré plus de six millions d’habitants, Kinshasa, la capitale de la
République Démocratique du Congo est loin d’être une ville où il fait
bon de vivre ouvertement son orientation sexuelle. A ce jour comme un
peu partout en Afrique, l’homosexualité est considérée comme une
abomination et un mode de relation importé de l’occident. Il suffit de
se promener dans les rues de cette vaste ville pour comprendre combien
il est difficile de s’afficher avec un partenaire de même sexe. Déjà
ceux qui sont très efféminés sont à tout moment pointés du doigt
lorsqu’ils circulent le long des avenues. De plus, au sein de la
famille, la pression est souvent si forte que le quotidien d’un
homosexuel ressemble à un véritable chemin de croix.
Le boulevard du 30 juin à Kinshasa. (photo Google) |
Dody, un jeune garçon à peine sorti de l’adolescence a dû changer son
look suite aux menaces de ses parents de le chasser du toit familial.
Ils ont même pris la décision de ne plus payer ses frais scolaires après
avoir découvert son homosexualité. Jusqu’à cette découverte, ses
parents avaient déjà des soupçons car le jeune homme est très efféminé
et fréquentait les homosexuels de son quartier. Une fois que sa famille
a été convaincue de son orientation sexuelle, elle lui a demandé de
changer ses dread locks en une coiffure plus masculine et d’ôter sa
boucle d’oreille. On lui exigera par la suite de ne plus fréquenter ses
copains et malgré qu'il ait atteint la majorité, ses parents iront
jusqu’à lui priver de sortie.
Le cas de Dody est aussi vécu par d’autres jeunes à Kinshasa. Dès
qu’ils avouent leur penchant sexuel, ils sont souvent malmenés par leurs
proches qui considèrent cette situation comme une malédiction divine. Denis, 21 ans, ami de Dody, a connu une situation presque similaire. Sa
mère et sa sœur l’ont moralement menacé durant des mois lorsqu’elles
ont appris que le jeune homme était gay. Les privations au niveau de la
maison l’ont d’ailleurs amené à une prostitution occasionnelle puis
définitive pour satisfaire ses besoins financiers. Dans l’entretien que
nous avons eu, il a révélé que ses clients étaient des messieurs pleins
aux as qui aimaient la compagnie de jeunes. Ne voulant plus poursuivre
ses études, il passe son temps à faire le plus vieux métier du monde et
a avoué que ça lui assurait un certain confort malgré les privations
dont il est victime. Curieux, nous avons voulu savoir comment ont
lieu les rencontres avec ses clients car il est strictement interdit aux
tenanciers des hôtels de passe d’accepter un couple d’hommes ou de
femmes. Il a déclaré qu’il les rencontrait à leurs domiciles ou dans les
grands hôtels de la capitale. Enfin, il a précisé que sa clientèle
était composée d’hommes congolais et africains mais surtout des
européens. Sa famille ne se rend pas compte de ce que son intolérance a
occasionné au jeune homme qui a sombré dans une vie de débauche.
La baie de Ngaliema à Kinshasa |
Si Denis est, malheureusement, tombé dans le cercle très fermé de
la prostitution gay kinoise, cela est aussi le cas de nombreux garçons
qui sont rejetés par leurs proches suite à leurs coming out même si
certains ne le font que par nécessité pour survivre dans une ville où la
situation sociale est chaotique. Beaucoup se retrouvent dans la misère qui malheureusement est
omniprésente depuis quelques années à Kinshasa et dans l’ensemble du
pays. Ils se prostituent dans les bas fonds de la ville et dans les
quartiers populaires souvent sans précautions. La plupart de ces bannis
vivent chez des amis (fait très rare) ou louent un studio en groupe.
Mais, il est parfois difficile pour une personne ouvertement
homosexuelle de louer, par exemple, une maison car ce n'est pas facile
de convaincre les bailleurs d’accepter un homme avec une sexualité particulière. Parfois, ils se font passer pour des hétéros mais à la longue la vérité finie par éclater au grand jour.
Coco, un autre jeune, en a fait les frais dans un des quartiers de
la capitale, voici quelques années. Ayant financièrement bien réussie sa
vie, il décida un jour de quitter sa famille pour s’installer chez lui
en louant un quatre pièce dans une commune populaire de Kinshasa. Le
jeune homme n’était pas ouvertement un homosexuel du moins au niveau de
ses proches. Lorsqu’il emménagea dans « sa maison », il ne tarda pas à
éveiller les soupçons auprès des voisins car il ne recevait que des
garçons dont un grand nombre était efféminé. Du jour au lendemain, la
nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et le voisinage ne
tarda pas à manifester son hostilité. Dès lors, Coco fut le sujet des
conversations dans le quartier et les quolibets ainsi que les mots de
menace commencèrent à tomber. Un soir arriva ce qui devait arriver, un
groupe de jeunes des environs investirent son domicile pour l’agresser
verbalement. Quelques jours après, le jeune dû quitter à la hâte ce
quartier hostile.
Les homosexuels qui ne sont pas efféminés s’en sortent mieux mais
sont obligés de jouer à un double jeu pour éviter les soupçons. Ils
sont, pour la plupart, bisexuels et vivent en cachette leurs relations
avec les hommes. Une fois repéré, ils sont indexés comme pédé et
subissent les critiques sévères de la société. Dans la majorité des cas
pour éviter les pressions morales, ils se marient. Nous pouvons citer
l’exemple de Roger, un kinois qui voyant la cinquantaine approchée et
prit par la peur d’être un jour démasqué se décida de prendre une femme
pour épouse. Parallèlement, il continua à fréquenter dans le plus grand
secret son ami de longue date.
Il faut savoir que les actes d’hostilité ne sont pas isolés. Ils sont
présents dans la ville de Kinshasa et personne n’en parle car ils
touchent une couche dont on ne cesse de reprocher sa façon d’être. Il
faut noter que le fait d’être homosexuel est un lourd fardeau. Kinshasa
est certes une grande ville mais c’est aussi un grand village. Dans
certains quartiers semi urbanisés, la promiscuité est telle que
l’intimité même des habitants en pâti. Une loi pénalisant
l’homosexualité a été déposée au niveau de l’Assemblée Nationale de
Kinshasa il y a plus de deux années. Il est de plus en plus incertain
qu'elle soit mise en application. Cependant, si un jour il arrivait
qu'une telle loi soit votée, elle donnera sans nul doute l’occasion à
l’homophobie de se généraliser. Cette situation mettra la vie de
plusieurs homosexuels dans un grand danger comme c'est déjà le cas dans
certains pays voisins comme le Cameroun et l'Ouganda. Cette
condamnation officielle laissera également libre court aux rumeurs qui
ont toujours circulé sur l’homosexualité, entre autres, qu’elle est liée
à la spiritualité comme tendent à le faire croire certaines églises
évangéliques.
D’ailleurs, parmi les églises dites de réveil spirituel, il y a
celles qui encadrent les gays dans la prière afin de les aider à sortir
de ce que les croyants qualifient d’envoûtement. Ce constat est
regrettable car il y a quelques années, un jeune kinois a déclaré
qu'il a été subir des séances d'exorcisme parce qu’un prophète
aurait vu en lui l’esprit d’une sirène. Âgé d'une vingtaine d'année,
Patrick a toujours été un peu efféminé. Avec un physique svelte et un
visage au trait fin, il avait toujours éveillé le soupçon autour de son
orientation sexuelle. Orphelin de père, il vit lui et ses autres frères
sous la responsabilité financière de sa sœur aînée résidant en Europe.
Un beau jour, cette dernière ayant pris l’habitude d’aller prier dans
une église évangélique apprendra de son pasteur que l’homosexualité
était un lien satanique. Selon Patrick, sa sœur se serait laissée dire
que ces genres de personnes sont habitées par un esprit maléfique qui
les pousserait à aimer les hommes et à vouloir avoir des rapports
sexuels avec eux. Affolée par cette révélation, elle appellera sa
famille à Kinshasa et exigera que son jeune frère soit emmené dans une
succursale de « son » église installée dans la capitale congolaise. Là,
le prophète déclarera que Patrick était possédé par l’esprit de la
sirène.
Il faut noter qu’à ce jour l’absence d’une interdiction légale a évité que
la population très hostile puisse s’attaquer ouvertement aux gays et aux
lesbiennes. Un projet de loi risquerait d’ouvrir officiellement les
vannes de l’insécurité sur une communauté qui jusqu’ici s’est toujours
cachée pour exister. Pour lutter contre cela, certains homosexuels
commencent à s'organiser à travers la ville grâce, notamment, aux
réseaux sociaux. Mais l'esprit du militantisme gay en est encore à ses balbutiements.
S. LUWA (J Walu)
J'habite a kinshasa et sa va tres bien je n'ai jamais eu aucune insulte
RépondreSupprimerContent pour toi Elie. Toutefois, tu dois savoir que pour beaucoup d'homosexuels, la vie n'est pas facile à Kinshasa.
RépondreSupprimerGay français,je savais la situation des gays en Afrique difficile mais pas à ce point. Je suis atterré
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