dimanche 11 mars 2012

Le calvaire des gays à Kinshasa

Malgré plus de six millions d’habitants, Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo est loin  d’être une ville où il fait bon de vivre ouvertement son orientation sexuelle. A ce jour comme un peu partout  en Afrique, l’homosexualité est considérée comme une abomination  et un mode de relation importé de l’occident. Il suffit de se promener dans les rues de cette vaste ville pour comprendre combien il est difficile de s’afficher avec un partenaire de même sexe. Déjà ceux qui sont très efféminés sont à tout moment pointés du doigt lorsqu’ils circulent le long des avenues. De plus,  au sein de la famille, la pression est souvent si forte que le quotidien d’un homosexuel ressemble à un véritable chemin  de croix.

 Le boulevard du 30 juin à Kinshasa. (photo Google)

Dody, un jeune garçon à peine sorti de l’adolescence a dû changer son look suite aux menaces de ses parents de le chasser du toit familial. Ils ont même pris la décision de ne plus payer ses frais scolaires après avoir découvert son homosexualité.  Jusqu’à cette découverte, ses parents avaient déjà des soupçons car le jeune homme est  très efféminé  et fréquentait les homosexuels de son quartier. Une fois que sa famille a été convaincue de son orientation sexuelle, elle lui a demandé de changer  ses dread locks en une coiffure plus masculine et d’ôter sa boucle d’oreille. On lui exigera par la suite de ne plus fréquenter ses copains et malgré qu'il ait atteint la majorité, ses parents iront jusqu’à lui priver de sortie.

Le cas de Dody est aussi vécu par d’autres jeunes à Kinshasa. Dès qu’ils avouent leur penchant sexuel, ils sont souvent malmenés par leurs proches qui considèrent cette situation comme une malédiction divine. Denis, 21 ans, ami de Dody, a connu une situation presque similaire. Sa mère et sa sœur l’ont moralement menacé durant des mois lorsqu’elles ont appris que le jeune homme était gay. Les privations au niveau de la maison l’ont d’ailleurs amené à une prostitution occasionnelle puis définitive pour satisfaire ses besoins financiers.  Dans l’entretien que nous avons eu, il a révélé que ses clients étaient des messieurs pleins aux as qui aimaient la compagnie de jeunes.  Ne voulant plus poursuivre ses études, il passe son temps à faire le plus vieux métier du monde et a avoué que ça lui assurait un certain confort malgré les privations dont il est victime.  Curieux,  nous avons voulu savoir comment  ont lieu les rencontres avec ses clients car il est strictement interdit aux tenanciers des hôtels de passe d’accepter un couple d’hommes ou de femmes. Il a déclaré qu’il les rencontrait à leurs domiciles ou dans les grands hôtels de la capitale. Enfin, il a précisé que sa clientèle était composée d’hommes congolais et africains mais surtout des européens.  Sa famille ne se rend pas compte de ce que son intolérance a occasionné au jeune homme qui a sombré dans une vie de débauche.

 La baie de Ngaliema à Kinshasa

Si Denis  est, malheureusement, tombé dans le cercle très fermé de la prostitution gay kinoise, cela est aussi le cas de nombreux garçons qui sont rejetés par leurs proches suite à leurs coming out même si certains ne le font que par nécessité pour survivre dans une ville où la situation sociale est chaotique. Beaucoup se retrouvent dans la misère qui malheureusement est omniprésente depuis quelques années  à Kinshasa et dans l’ensemble du pays. Ils se prostituent dans les bas fonds de la ville et dans les quartiers populaires souvent sans précautions. La plupart de ces bannis vivent chez des amis (fait très rare) ou louent un studio en groupe. Mais, il  est parfois difficile pour une personne ouvertement homosexuelle de louer, par exemple, une maison car ce n'est pas facile de convaincre les bailleurs d’accepter un  homme avec une sexualité particulière.  Parfois, ils se font passer pour des hétéros mais à la longue la vérité finie par éclater au grand jour.

Coco, un autre  jeune, en a fait les frais dans un des quartiers de la capitale, voici quelques années. Ayant financièrement bien réussie sa vie, il décida un jour de quitter sa famille pour s’installer chez lui en louant un quatre pièce dans une commune populaire de Kinshasa.  Le jeune homme n’était pas ouvertement un homosexuel du moins au niveau de ses proches. Lorsqu’il emménagea dans « sa maison », il ne tarda pas à éveiller les soupçons auprès des voisins car il ne recevait que des garçons dont un grand nombre était efféminé. Du jour au lendemain, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et le voisinage ne tarda pas à manifester son hostilité. Dès lors, Coco fut le sujet  des conversations dans le quartier et les quolibets ainsi que  les mots de menace commencèrent à tomber. Un soir arriva ce qui devait arriver, un groupe de jeunes des environs investirent son domicile pour l’agresser verbalement. Quelques jours après, le jeune dû quitter à la hâte ce quartier hostile.

Les homosexuels qui ne sont pas efféminés s’en sortent mieux mais sont obligés de jouer à un double jeu pour éviter les soupçons. Ils sont, pour  la plupart, bisexuels et vivent en cachette leurs relations avec les hommes. Une fois repéré, ils sont indexés comme pédé et subissent les critiques sévères de la société. Dans la majorité des cas pour éviter les pressions morales, ils se marient. Nous pouvons  citer l’exemple de Roger, un kinois qui voyant la cinquantaine approchée et prit par la peur d’être un jour démasqué se décida de prendre une femme pour épouse. Parallèlement, il continua à fréquenter  dans le plus grand secret son ami de longue date.

Il faut savoir que les actes d’hostilité ne sont pas isolés. Ils sont  présents dans la ville de Kinshasa et personne n’en parle car ils touchent une couche dont on ne cesse de reprocher sa façon d’être. Il faut noter que le fait d’être homosexuel est un lourd fardeau. Kinshasa est certes une grande ville mais c’est aussi un grand village. Dans certains quartiers semi urbanisés, la promiscuité est telle que l’intimité même des habitants en pâti.   Une loi pénalisant l’homosexualité a été déposée au niveau de l’Assemblée Nationale de Kinshasa il y a plus de deux années. Il est de plus en plus incertain qu'elle soit mise en application. Cependant, si un jour il arrivait qu'une telle loi soit votée, elle donnera sans nul doute l’occasion à l’homophobie de se généraliser. Cette situation mettra la vie de plusieurs homosexuels dans un grand danger comme c'est déjà le cas dans certains pays voisins comme le Cameroun et l'Ouganda. Cette  condamnation officielle  laissera également libre court aux rumeurs qui ont toujours circulé sur l’homosexualité, entre autres, qu’elle est liée à la spiritualité comme tendent à  le faire croire certaines églises évangéliques.

D’ailleurs, parmi les églises dites de réveil spirituel, il y a celles qui encadrent les gays dans la prière afin de les aider à sortir de ce que les croyants qualifient d’envoûtement.   Ce constat est regrettable car il y a quelques années, un jeune kinois  a déclaré  qu'il a été subir des séances d'exorcisme parce qu’un prophète aurait vu en lui l’esprit d’une sirène. Âgé d'une vingtaine d'année, Patrick a toujours été un peu efféminé. Avec un physique svelte et un visage au trait fin, il avait toujours éveillé le soupçon autour de son orientation sexuelle. Orphelin de père, il vit lui et ses autres frères sous la responsabilité financière de sa sœur  aînée résidant en Europe. Un beau jour, cette dernière ayant pris l’habitude d’aller prier dans une église évangélique  apprendra  de son pasteur que l’homosexualité était  un lien satanique. Selon Patrick, sa sœur se serait laissée dire que ces genres de personnes sont habitées par un esprit maléfique qui les pousserait à aimer les hommes  et à vouloir avoir des rapports sexuels avec eux.  Affolée par cette révélation, elle appellera sa famille à Kinshasa et exigera que son jeune frère soit emmené dans une succursale de « son » église installée dans la capitale congolaise. Là, le prophète déclarera que Patrick était possédé par l’esprit de la sirène.

Il faut noter qu’à ce jour l’absence d’une interdiction légale a évité  que la population très hostile puisse s’attaquer ouvertement aux gays et aux lesbiennes. Un projet de loi risquerait d’ouvrir officiellement les vannes de l’insécurité  sur une communauté qui jusqu’ici s’est toujours cachée pour exister. Pour lutter contre cela, certains homosexuels commencent à s'organiser à travers la ville grâce, notamment, aux réseaux sociaux. Mais l'esprit du militantisme gay en est encore à ses balbutiements.

S. LUWA (J Walu)

3 commentaires:

  1. J'habite a kinshasa et sa va tres bien je n'ai jamais eu aucune insulte

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  2. Content pour toi Elie. Toutefois, tu dois savoir que pour beaucoup d'homosexuels, la vie n'est pas facile à Kinshasa.

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  3. Gay français,je savais la situation des gays en Afrique difficile mais pas à ce point. Je suis atterré

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